Le vote de la loi du 16 décembre 1964 a permis de mettre en place un dispositif de gestion de l’eau
répondant à deux objectifs : d’une part, respecter sur l’ensemble du territoire national l’unité de la
ressource « eau » quel qu’en soit l’usage ; d’autre part, assurer le financement des opérations liées
à l’usage de l’eau.
Le respect de l’unité de la ressource s’exprime par l’existence de six bassins dont le territoire suit
les lignes de partage des eaux, et qui constituent le cadre de la gestion des eaux : cette gestion est
en effet assurée dans chaque bassin par une agence de l’eau à laquelle est associé un comité de
bassin.
La création des agences financières de bassin, aujourd’hui appelées agences de l’eau, permet
d’assurer le financement des opérations liées à l’usage de l’eau. Établissement public administratif
doté de la personnalité civile et de l’autonomie financière, l’agence de l’eau intervient, en se
fondant sur un programme d’intervention pluriannuel, par l’octroi de subventions ou la participation
à des fonds de concours, ainsi que par la perception de redevances. La loi fixe les règles d’assiette
des redevances, plafonne les taux et fixe les principes de leur modulation. Le comité de bassin fixe
les grandes orientations de l’agence, notamment sur le contenu du programme d’intervention
pluriannuel de l’agence proposé par le conseil d’administration en conformité avec les orientations
des SDAGE et sur les taux des redevances proposés par le conseil d’administration.
Comparé aux réalisations étrangères, le système français présente deux originalités : la première
tient au fait que les bassins recouvrent l’ensemble du territoire et se découpent suivant des limites
naturelles. La seconde, plus importante, tient à l’approche économique des réalités : l’eau a un
prix lié à sa valeur.
De là découlent deux principes : le caractère incitatif des redevances et des financements de
l’agence ; la modulation des redevances en fonction des circonstances de temps et de lieu qui
affectent localement les prélèvements et les restitutions d’eau.
En ce qui concerne les financements, les agences accordent leur aide aux maîtres d’ouvrage pour la
réalisation de travaux correspondant soit à la lutte contre la pollution (stations d’épuration,
émissaires en mer, procédés de fabrication moins polluants, soit au développement des ressources
en eau (adductions de cours d’eau, régularisation des débits, etc.).
La dépollution, qui a été considérée comme un objectif prioritaire par les six agences de l’eau, fait
l’objet d’un financement sous forme de primes – lorsque le dispositif construit permet d’éviter la
détérioration de la qualité des eaux – ou sous forme d’aides à la réalisation des travaux :
subventions et prêts.
L’aide à la réalisation des travaux représente en moyenne de 15 à 40 % du coût total pour les
ouvrages collectifs, et de 30 à 70 % pour les équipements d’épuration industrielle. Toutefois les
prêts aux industries nouvelles ne peuvent excéder 50 % du coût des travaux. En réalité, les aides
aux entreprises sont généralement accordées sous forme de prêts. Pour les industries nouvelles, ces
prêts sont accordés à trois ans avec un différé d’un an, ou sous forme d’une avance à quatre ans
avec ou sans différé d’un an.
De même, au cas où une subvention est prévue, l’industriel qui en bénéficie peut obtenir une aide
majorée en demandant la transformation de la subvention en avance sans intérêt (montant majoré
de 20 à 40 %) ou en prêt (majoration de 40 à 50 %). En ce qui concerne les redevances perçues sur
toute personne privée ou publique dont l’action rend nécessaire ou seulement utile l’intervention
de l’agence, leur modulation est fonction de l’utilité, attachée à la ressource eau, ou de la
désutilité que provoque son emploi, appréciées en fonction des circonstances de temps et de lieu.
La modulation selon le lieu s’exprime par des taux de redevance plus ou moins élevés au sein de
certaines zones en fonction de la période – étiage ou hautes eaux – pour le prélèvement et pour le
déversement par le relèvement des quantités déversées un jour normal « t » durant le mois de rejet
maximum : dans les deux cas, il s’agit d’intégrer les phénomènes de pointe dont l’incidence
quantitative ou qualitative est très lourde.
En théorie, le caractère pleinement incitatif des redevances ne joue que si leur montant égalise le
coût du traitement de l’effluent par la station d’épuration du pollueur. Malgré une revalorisation
progressive des redevances durant ces dernières années, le niveau d’égalisation n’a pas encore été
atteint et l’action réglementaire ou contractuelle doit donc compléter l’action incitative.
La directive cadre sur l’eau
Publiée au Journal officiel des communautés européennes le 22 décembre 2000, la directive-cadre
sur l’eau fixe un cadre politique unique dans le domaine de la protection et de la gestion des
ressources en eau, tant du point de vue qualitatif que quantitatif. Elle fixe une méthode de travail
et des objectifs environnementaux jusqu’en 2027.
Elle affiche notamment des objectifs pour la préservation et la restauration de l’état des milieux
aquatiques à l’horizon 2015, 2021 ou 2027. La planification et la gestion des eaux par district
hydrographique, très proche de celles pratiquées en France depuis la loi sur l’eau de 1964,
deviennent la règle européenne.
Pour atteindre ces objectifs basés sur un état des lieux, des programmes d’interventions et des
plans de gestion ont été élaborés. Ils seront révisés ensuite par période de 6 ans. L’année 2015 a
par ailleurs vu la révision des SDAGE, ces derniers répondant aux exigences du plan de gestion de la
directive cadre tout en couvrant des domaines plus larges que ceux visés par cette dernière.
Les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux
Exercice obligatoire pour chaque grand bassin hydrographique français (Adour-Garonne, Artois-
Picardie, Loire-Bretagne, Seine-Normandie, Rhin-Meuse, Rhône-Méditerranée et Corse), le SDAGE
définit une politique sur le long terme, 10 ou plutôt 15 ans, dans l’esprit du concept de
développement durable adopté lors de la conférence de Rio en 1992 et confirmé à Johannesburg en
2002. Il apporte une réponse cohérente, globale et concertée à la gestion de l’eau dans un espace
géographique naturel. Les SDAGE sont l’application d’un des points forts de la loi sur l’eau du 3
janvier 1992.
Outre les aspects institutionnels de cette « constitution de l’eau », s’est posée la question de savoir
comment les programmes d’intervention des agences de l’eau, prendraient financièrement en
compte les orientations définies par les SDAGE. La relation entre le SDAGE et les programmes
d’intervention des agences est évidente. Il n’est pas abusif de prétendre que ces programmes se
placent au service des objectifs des SDAGE.
En devenant le cadre de référence pour l’intervention de l’ensemble des partenaires d’un bassin, le
SDAGE invite à la mise en œuvre de programmes plus concertés ou, mieux encore, plus
contractuels, pour coordonner davantage les programmes publics et favoriser la coordination
économique et technique et la synergie des opérations. Les 10èmes programmes d’interventions des
agences de l’eau se placent dans cette synergie.
Le SDAGE suscite la définition d’objectifs particuliers au niveau des différentes unités
hydrogéographiques du bassin par la procédure des SAGE par exemple, invitant ainsi les agences à
définir des politiques d’intervention territoriales plus proches des préoccupations et des besoins
locaux dans le cadre des 9es programmes.
Les SDAGE impliquent les notions de compatibilité et de « prise en compte », autorisant ainsi
l’inscription aux programmes des agences, d’opérations non prévues par ces schémas. Elles sont
envisageables dès lors qu’elles ne sont pas contraires aux objectifs du SDAGE. Inversement,
certaines opérations prévues par le SDAGE (certaines formes de lutte contre les inondations par
exemple peuvent être rendues nécessaires même si l’agence n’y participe pas).
Les programmes des agences restent l’un des instruments privilégiés à la disposition des maîtres
d’ouvrage pour se mettre en conformité avec les dispositions réglementaires qui s’imposent à eux ;
ces dispositions sont contenues et structurées de façon cohérente dans le SDAGE.
Rappelons cependant que les agences n’ont pas pour mission de garantir le respect par les maîtres
d’ouvrages des dispositions réglementaires, mais de contribuer à la protection et à la gestion des
milieux aquatiques et des ressources en eau.
La réforme de la politique de l’eau : la loi du 30 décembre 2006
La politique de l’eau menée jusqu’en 2006, guidée par la loi de 1964, complétée pour la pêche par
la loi de 1984 et confortée par celle de 1992, a bâti des fondements efficaces : les instances de
bassin pour générer des mécanismes de concertation, les redevances pour financer des ouvrages
d’intérêt commun, les agences de l’eau pour dégager les moyens nécessaires ou l’approche
écosystémique pour lier préservation du milieu et satisfaction des usages.
Ce dispositif a d’ailleurs inspiré l’Union européenne pour fixer en 2000 le cadre de la politique
communautaire de l’eau. Cependant, différentes composantes de cette politique étaient très
anciennes : certaines dispositions pour la police des cours d’eau et de la navigation remontaient à
l’ancien régime, les risques d’inondations répondaient de textes du milieu du XIXe siècle,
l’utilisation de l’énergie hydraulique était toujours régie par une loi de 1919 et la pêche était basée
sur un texte de 1941. À cela s’ajoutait, depuis le milieu des années 70, une superposition de textes
communautaires qui font de la politique de l’eau une politique fortement intégrée sur le plan du
droit européen et du secteur de l’eau l’un des plus forts secteurs de contentieux.
L’Europe, consciente de la nécessaire solidarité des états pour gérer ce bien d’intérêt général, a
imposé aux 25 pays membres de reconquérir la qualité des eaux dans le milieu naturel d’ici à 2015.
La France a l’ambition de répondre à cet objectif qui assurera que, demain, tous les usages de l’eau
seront satisfaits. Nous avons à faire face depuis une dizaine d’années à des sujets émergents tels
que les pollutions, les déséquilibres entre usages et ressources ou l’attention insuffisante aux
écosystèmes. Sans oublier que la France est à la tête de plusieurs contentieux européens
susceptibles de générer des astreintes financières journalières importantes.
Le gouvernement s’est donc obligé à remettre à plat l’ensemble du système. Le grand débat
national mené avec l’ensemble des acteurs de l’eau et le grand public au cours des années 2003 et
2004 a fait apparaître le souhait de maintenir les principes fondateurs de la politique française de
l’eau : décentralisation, responsabilisation des territoires, mutualisation des moyens au sein des
bassins fluviaux. Le débat a confirmé la nécessité de réformer la politique française de l’eau à la
fois pour respecter les objectifs de la directive cadre européenne, pour accroître son efficacité,
notamment en clarifiant les compétences de chacun et en améliorant l’action de la police de l’eau,
et pour répondre aux attentes du public en matière de transparence et de lisibilité.
La loi sur l’eau et les milieux aquatiques, votée le 30 décembre 2006, modifie la partie législative
du Code de l’Environnement qui, en près de 1 150 articles, regroupe aujourd’hui les dispositions de
39 lois précédemment dispersées et celles des textes votés depuis 2000. Elle constitue le texte
central de la politique française de l’eau, en conforte les grands principes et optimise l’action
publique.
La loi sur l’eau et les milieux aquatiques a pour vocation de créer les conditions pour permettre
d’atteindre l’objectif de bon état écologique des eaux et de respecter l’ensemble des directives
européennes. Par l’action réglementaire, l’évolution de l’organisation institutionnelle et des
circuits de financements, elle introduit des outils pour traiter de sujets complexes qui avaient fait
achopper les réformes précédentes : gestion quantitative de l’eau, traitement des pollutions
diffuses et des prélèvements diffus, hydroélectricité, assainissement non collectif ou gestion des
services…
Enfin, ce texte participe aux exigences de transparence renforcées par la directive cadre
européenne sur l’eau et, au-delà, par la convention d’Aarhus signée en 1998 et visant à favoriser la
participation du public à la prise de décision dans le domaine de l’environnement.
Les premiers décrets d’application de la loi du 30 décembre 2006 sont sortis aux cours du premier
semestre de l’année 2007 (Voir chapitre 1). Parmi ceux-ci, la création de l’Office national de l’eau
et des milieux aquatiques (ONEMA), la composition des comités de bassins, des conseils
d’administration, et la réforme des redevances. À partir du 1er janvier 2008, la loi sur l’eau et les
milieux aquatiques modifie en profondeur le système des redevances versées aux agences. Il s’agit
de mieux partager l’effort pour lutter contre la pollution des eaux, protéger la santé, préserver la
biodiversité et garantir la disponibilité de la ressource. Le système repose désormais sur 7
redevances :
Pollution de l’eau (domestique et non domestique),
modernisation des réseaux de collecte (domestique et non domestique),
pollutions diffuses,
prélèvement sur la ressource en eau,
stockage d’eau en période d’étiage,
obstacle sur les cours d’eau,
protection du milieu aquatique.
La mise en place de ces nouvelles redevances a provoqué la seconde révision des 9èmes
programmes d’intervention 2007-2012 des agences.
Des compétences élargies, des recettes plafonnées
Les programmes 2007-2012 ont été les premiers programmes de mise en œuvre de la directive cadre
sur l’eau (DCE). Restauration des milieux aquatiques, réduction de la vulnérabilité à la sécheresse,
lutte contre les pollutions diffuses et protection du littoral et solidarité envers les communes
rurales en ont été les grandes orientations. Ces programmes ont été actualisés une première fois fin
2007, puis fin 2009 pour être mis en conformité avec les schémas directeurs d’aménagement et de
gestion des eaux (SDAGE) et les programmes de mesures (PDM).
Depuis 2009, en application de l’article L. 213-10-8 du code de l’environnement, les agences
collectent la fraction de la redevance pour pollutions diffuses pour financer les actions du plan «
Ecophyto ». La collecte de cette redevance pour pollutions diffuses est mutualisée entre les
agences, tout comme pour les redevances pour protection du milieu aquatique et pour pollution
d’origine non domestique liée aux activités d’élevage.
Par ailleurs, la loi du 12 juillet 2010 dite « Grenelle II » a donné aux agences la compétence de
maître d’ouvrage pour les travaux d’aménagement d’obstacles sur les cours d’eau destinés à
rétablir la continuité écologique. Elle leur a également confié la mise en œuvre d’une politique
foncière de sauvegarde des zones humides. Les agences peuvent ainsi « acquérir ou faire acquérir
des parcelles dans les zones humides à des fins de lutte contre l’artificialisation des sols et de
valorisation, notamment agricole ». Par ailleurs, l’article 161 de cette loi prévoit que : « L’agence
de l’eau peut verser aux collectivités territoriales des incitations financières à la réduction des
pertes en eau du réseau ».
L’article 29 de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des
paysages a de nouveau élargi les missions des agences à la connaissance, à la protection et à la
préservation de la biodiversité terrestre et marine dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie
nationale et des stratégies régionales pour la biodiversité, ainsi que du milieu marin dans le cadre
des plans d’actions pour le milieu marin. Elle pose le principe d’un élargissement des redevances
des agences vers les usages portant atteintes à la biodiversité et au milieu marin. Cet élargissement
vise à conforter l’action territoriale des agences de l’eau qui deviennent un interlocuteur,
notamment des collectivités, pour le financement de l’ensemble des champs relatifs à la
préservation des ressources naturelles.
Par rapports aux programmes précédents, les enjeux liés aux 10èmes programmes d’intervention se
sont déplacés, les problèmes d’assainissement des villes étant en passe d’être résolus. De nouveaux
enjeux ont émergé, consécutifs aux impacts de l’activité humaine sur les milieux, à l’évolution du
climat et de la ressource en eau. De nouvelles pollutions sont apparues, les substances dangereuses
sont devenues prioritaires. Au plan national, les 10èmes programmes se sont inscrits dans un cadre
financier très contraint. La loi de finances pour 2012 a fixé à 13,3 milliards d’euros le montant
maximum des redevances susceptibles d’être perçues globalement par les six agences de l’eau, au
niveau national, sur la période 2013-2018. Par ailleurs, le Parlement a souhaité que les objectifs et
les priorités des 10es programmes s’inscrivent en particulier dans une logique de réponse de la DCE
et l’atteinte des objectifs de bon état des eaux définis dans les SDAGE adoptés par les comités de
bassin.
Fin 2018, les comités de bassin et les conseils d'administration des agences de l'eau ont adopté les
11èmes programmes d'intervention, pour la période 2019-2024. Dans la plupart des bassins, plus de
18 mois de préparation et de concertation ont été nécessaires pour élaborer ces programmes, dans
un contexte d’incertitude sur les moyens budgétaires, entre ponctions sur le budget des agences et
mise en œuvre du plafond mordant. Ces programmes sont en effet essentiellement financés par les
redevances collectées auprès des usagers alors que les redevances sont revues à la baisse en
application des dispositions de la loi de finances.
Globalement, les 11èmes programmes reposent sur cinq priorités fixées par le Ministère de la
transition écologique, à savoir :
- l'atteinte des objectifs de bon état des masses d'eau fixé conformément au SDAGE.
- l'adaptation au changement climatique ;
- la reconquête de la biodiversité ;
- la mobilisation des acteurs et la solidarité entre les territoires ;
- la protection de la santé publique ;
Ils s’attachent également à répondre aux nouveaux enjeux de gouvernance et d'organisation de
l'action publique (Loi NOTRe, GEMAPI...) tout en visant à une meilleure efficacité des aides
attribuées.
A noter également, que les agences se sont lancées, à la demande de leur tutelle, dans une
démarche ambitieuse de mutualisations inter-agences. L’objectif poursuivi est de consolider
l’action des agences et de leurs instances de bassin, et de leur permettre de continuer à évoluer, en
dégageant les marges de manœuvre nécessaires pour être plus performantes et efficaces sur leurs
nouvelles missions.
Par les aides qu’elles attribuent, par les redevances qu’elles perçoivent, par les principes directeurs
qu’elles élaborent et le conseil technique qu’elles assurent ou soutiennent, les agences de l’eau
sont donc au centre de la politique de l’eau en France.
Voici pourquoi nous publions ci-après et pour chacun des six bassins hydrographiques, toutes les
informations utiles concernant les agences elles-mêmes, leur comité de bassin, l’état du milieu, les
principaux éléments de leur schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux, de leur
programme de mesures ainsi que les caractéristiques et les grandes lignes des 11 èmes programmes
d’intervention.